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SAGA FAMILIALE

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22 octobre 2008

SUR LE CHEMIN DE L'ECOLE

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Gisèle se retourna excédée. Cyrille traînait encore à vingt mètres derrière elle. Il s’était accroupi et ramassait des cailloux qu’il enfouissait dans la poche de sa culotte courte. De sa main gauche il tenait encore sa gamelle pour le déjeuner. Depuis le début de la semaine, ils ne rentraient plus le midi de l’école. L’hiver, Emilia leur préparait dans une petite boite en fer, un morceau de lard et du fromage. Quelques fois elle remplaçait le fromage par une pomme de terre. Certaines semaines étaient plus frugales que d’autres. Le travail était de plus en plus dur à trouver. Leur père Cyrille, se louait à la journée ou à la semaine, mais avec l’hiver qui arrivait les portes allaient se fermer de plus en plus. Il n’y avait pas assez d’emploi pour tout le monde et depuis qu’il avait eu la tuberculose, les médecins lui interdisaient de retourner en usine. De toute façon, même chez les ouvriers on débauchait…

            Gisèle soupira de colère. Ils allaient encore arriver en retard et sa maîtresse allait sûrement la punir ! Cyrille le faisait exprès ! Il n’aimait pas l’école. Il fallait toujours le pousser pour avancer. Ils venaient à peine de dépasser le plan d’eau du Chemin Vert, jamais ils ne seraient à l’heure en classe. Heureusement que Claude était encore trop jeune pour suivre une scolarité ! A cette heure il devait être bien au chaud à la maison, tout seul à profiter de leur mère.

Gisèle arriva à hauteur de son frère. Il lui jeta à peine un regard.

« Dépêche-toi, la cloche va sonner ! »

-J’ai pas envie d’y aller !

La fillette se mordit les lèvres de dépit. Le gamin faisait semblant de s’intéresser à une petite pierre plate aux bouts arrondis. Il n’avait pas boutonné sa pèlerine qui traînait sur le sol. Il portait son sarrau gris sur une culotte courte qui lui cachait une partie des jambes. Il ne faisait pas encore très froid et le vent ne brûlait pas encore les mollets des enfants.

            Gisèle s’énervait. L’école des garçons était un peu plus loin que celle des filles et elle devait  d’abord emmener son frère en classe. Elle avisa le poteau télégraphique un peu plus loin et une idée lui vint. Elle courut y coller l’oreille et fit semblant d’écouter.  Cyrille avait lâché son caillou et l’observait.


- Qu’est-ce que tu fais ?

Elle lui fit signe de se taire, l’oreille toujours contre le poteau.

Soudain elle se tourna vers l’enfant.

- Vite, dépêchons nous, nous sommes en retard de cinq minutes !

- Comment tu le sais ?

- Là dans le poteau j’ai entendu l’heure !

Le garçon se leva d’un bond et courut à son tour y coller l'oreille.

- Mais je n’entends rien moi !

Gisèle avait déjà repris sa marche.

- C’est normal, tu es trop petit. Viens on va essayer à l’autre peut-être que tu y arriveras.

Et tout en parlant elle le faisait avancer d’un poteau à l’autre. A chaque fois elle rajoutait des minutes et à chaque fois Cyrille s’énervait car il avait beau coller ses deux oreilles l’une après l’autre, il n’entendait jamais rien ! Ainsi petit à petit elle parvint à le faire avancer. Elle voyait maintenant les premières maisons. L’école n’était plus très loin.  Elle s’arrêta à un poteau et courut aussitôt en criant :

-          Il vient de me dire que nous n’avons plus que quelques minutes. Ils vont fermer la porte de l’école. La cloche va sonner dans trente secondes !

Cyrille pleurnichait en la suivant, cognant sa gamelle contre ses petites jambes nues.

-          J’en ai marre moi, je n’entends rien !

            Gisèle lui répétait que c’était normal, que le poteau ne parlait qu’aux grands. Elle jeta un coup d’œil par dessus son épaule et vit avec satisfaction que son frère la suivait. Ce matin au moins ils seraient à l’heure en classe. Enfin presque car la cloche de la cour des garçons se mit à sonner. Celle des filles n’allait pas tarder. Elle accéléra le pas. Ils étaient arrivés sur la route de Thouaré. L'école n'était plus très loin. Gisèle s'arrêta devant la grille des garçons. Il valait mieux qu’elle s’assure que son frère soit bien en classe. Les enfants étaient déjà rassemblés dans la cour et l’un deux fit signe à Cyrille de se dépêcher. Dès qu’elle le vit rejoindre ses camarades, Gisèle prit ses jambes à son cou et courut. Elle n'avait plus que quatre cents mètres. Elle évita de justesse madame Gaillard qui se rendait à la Poste. Mlle Quiriou, la maîtresse, actionnait encore la cloche.

-Dépêche-toi, tu es encore la dernière!

Et d'un claquement de main, elle fit rentrer ses élèves dans la classe.

            Celle-ci sentait bon le bois ciré et l'odeur du papier. Le poêle, flanqué au milieu de la pièce ne marchait pas encore. Dès les premiers froids, les élèves seraient désignées à tour de rôle pour allumer le feu. Le bureau de la maîtresse trônait sur une longue estrade. En fin d'année on poussait le meuble et les écolières récitaient sagement les scénettes apprises par cœur, devant les parents attendris. C’était debout sur l'estrade, les petites devant, que le cœur battant, les fillettes chantaient tout le répertoire de l'année. Gisèle aimait ces moments où elle capturait le regard fier de son père et celui de sa mère. Le plus émouvant était celui de la remise des prix. Emilia souriait, la larme à l’œil, se cachant parfois pour ne pas trop s’attendrir derrière la tête ébouriffée du Petit Claude qui suçait son pouce sur ses genoux. Mais la fin d’année scolaire était encore loin. Novembre était à peine commencé. Devant le bureau, les pupitres attendaient les élèves. C’était de grandes tables de trois avec des allées qui séparaient les divisions d’enfants. Au dessus de l’estrade, un grand tableau noir où était écrite la morale du jour. Sur les murs, une carte de France avec ses départements et une autre avec ses volcans. Posée contre le bureau, une grande règle plate graduée, pour les exercices de mathématiques. Sur les tables, mademoiselle Quiriou avait déposé les cahiers quadrillés. Avant de commencer, elle distribuait l’encre dans les petites fioles de porcelaine blanche, encastrées dans le petit diamètre creusé dans le bois du pupitre. Ensuite, elle vérifiait que chaque élève avait bien sa plume pour écrire. Alors seulement après cela, elle prenait son grand cahier et ne manquait jamais de faire l’appel des élèves. Ce n’est qu’après qu’elle se tournait vers le tableau noir et demandait à ce qu’on commente la phrase du jour. Ce matin là, c’était une citation d’Aristote. Elle avait noté de sa belle écriture penchée les mots suivants : « une seule hirondelle ne fait pas le printemps ; un seul acte moral ne fait pas la vertu. »

Novembre 1937

 

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22 octobre 2008

AU PAYS DE NOS ANCETRES

Très jeune j'ai été touchée par les vieux papiers, les vieilles photos, ces inconnus sans nom qui avaient été sans doute aimés ou détestés. Je devinais des sourires, des soupirs, des histoires à dire ou à taire... C'est en voulant les connaître davantage que je me suis lancée dans la généalogie. Je n'en suis jamais sortie! Depuis j'ai fait la connaissance de tas de personnages, hommes, femmes, enfants, des destins, des vies que je n'avais jamais soupçonné... C'est peut-être mon profond désir de vivre et de gagner cet instant d'éternité auquel nous aspirons tous qui m'a guidé jusqu'à ces aïeux lointains, effacés de nos mémoires...

laeti_corse2

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